ACCUEIL
Pierre Desproges
Retour novembre
Il n'y a pas que la mode que
je n'aime pas. Il y a aussi les chanteurs. C'est simple, je ne comprends même
pas que l'on chante. Les chanteurs, les olives vertes, la joie dans les yeux
d'un enfant, les sportifs, les racistes, les Arabes bien sûr et les mecs qui
ferment le bouton du haut de leur polo. Je ne pense pas être emmerdant comme
type, mais les mecs qui ferment le bouton de leur polo je ne peux pas ! Et les
coiffeurs. De tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces, je hais les
coiffeurs. Comme le pou, le coiffeur
est un parasite du cheveu. Non mais vous les avez vus les coiffeurs Faubourg
Saint-Honoré ou sur les Champs-Elysées, qui s'habillent en cosmonautes pour
couper les cheveux des gens, ca ne va pas non ? C'est aussi con que d'aller sur
la Lune avec un peigne derrière l'oreille ! Comme le souligne à l'évidence le
morne ordonnancement approximatif de ma coiffure, je ne vais jamais chez le
coiffeur. Je me fais couper les cheveux par la mère de mes enfants, ou par les
enfants de ma mère, ou par la mère des enfants de n'importe quel con qui a des
ciseaux qui coupent mais je ne mets jamais les pieds, et encore moins la tête
chez les coiffeurs puisque je vous dis que
JE HAIS LES COIFFEURS
! D'ailleurs j'ai horreur
qu'on me tripote la tête par derrière en me racontant des conneries dans le dos
! J'ai horreur qu'un gominé à gourmettes me chahute le cuir chevelu avec ses
grosses papattes embagousées aux ongles éclatants de vulgarité manucurale. J'ai
horreur qu'un Brummel de bal disco me gerbe dans le cou le crachin postillonnant
des réflexions de philosophie banlieusarde que lui inspirent sporadiquement la
hausse du dollar, l'anus artificiel du Pape, l'inappétence sexuelle de la petite
Grimaldi depuis la mort de sa mère en bagnole, l'agonie de St-Etienne, le déclin
de l'Occident, le fibrome de sa femme... pas de la femme de l'Occident... de sa
femme à lui, le super merlan néo-romantique de mes deux...., la montée de la
violence dans les milieux cosmopolites et puis bien sûr l'indiscipline
problématique de la raie de mon quoi ?.....de la raie de mon crâne, allons !
Ah ! J'allais oublier les
oscillations du thermomètre, source i-né-pui-sable de commentaires
météorologiques vibrant d'incompétence mais très répandus dans les milieux
capillicoles. Oui... capillicole du latin capillaris : capilla le poil...et ris
on s'en fout ! En tout cas vous savez qu'on ne doit pas dire " je vais AU
coiffeur ". On ne dit pas ca. Non, on ne doit pas dire " je vais AU coiffeur "
mais on doit dire " je vais AU capilliculteur ". J'ai même vu une enseigne de
capilliculteur bio-cosméticien. Je vous assure ! La bio-cosmétique regroupant
vraisemblablement l'ensemble des techniques capillicoles consistant à enduire de
vaseline la raie de mon quoi ?... La raie, une fois de plus, de mon crâne, voilà
! Et en nocturne comme le son et lumière à Chambord ! On ne se fait plus couper
les tifs après la bouffe mais on se rend en séance de consultation de
capilliculture bio-cosméticienne en nocturne.... HE LES MERLANS ! Vous ne croyez
pas que vous péter plus haut que la votre de raie ? Femmes de France, tout à
l'heure je vous demandais de ne plus marcher dans la mode, maintenant je vous
supplie, n'allez plus jamais chez le coiffeur ! D'abord ca ne sert à rien. Non
ca ne sert à rien, réfléchissez une seconde... les Russes arrivent. Bon, dans un
mois si tout va bien et si le temps le permet c'est la guerre, d'accord ? Dans
cinq ans c'est la libération que n'attendez-vous donc jusque là pour vous faire
tondre ?
Extrait de " La Scène "
Théatre Fontaine, février 1984
Retour
|