Polernaz

                             MELPOMENE

THALIE

 ACCUEIL

POL ERNAZ

Votre Serviteur

Langue Française

La Saga du H aspiré

Mise en Bouche

abracadabrantesque

 

Lettres du Liban 

 

Humour et Fantaisie

Le Défasé

dacmania  

Folles Journées 

Bébert Omnibus

Mite au Logis

Muses et Lyre

Divers Vers

 Chansons

Photos insolites

Devoir de Mémoire

Journal d'un Appelé

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A - B - C - D- E - F - G   - H - I  - L - M - NO - PQ - R - S - T - UV - WX - YZ 

Lucullus flâne...

Lucullus flâne à travers bois. Philosophe et lithoglyphe à ses heures. Philosophe par hérédité, proclame-t-il, confondant le rôle d'un de ces ancêtres, lampadaire à la cours de Constantin Paléologue le Onzième en l'an 1450, avec quelque activité d'intellectuels du Moyen Âge s'éclairant à la bougie ! Lithoglyphe pour le plaisir, son appétition pour les pierres précieuses et la pierre en général lui venant de ses voyages aux Indes à une époque où il fut invité par son oncle Nicéphore, maître en limnologie (rien à voir avec notre sujet), gouverneur à Pondichéry, Il eut alors l'occasion de participer à une expédition à Ratnapura au Sri Lanka célèbre pour ses pierres; et du Kerala où il passa huit jours il ramena une ardoise couverte de logogriphes. De plus l'un de ses retours au gré des vents le transporta dans les latomies du côté de Syracuse. C'est dire...

Souvent distrait et plutôt tête en l'air, sa marche le conduit au milieu des frondaisons vers un terrain plus caillouteux qu'il ne connait pas. Soudainement il trébuche sur un petit monticule dont l'aspect attire son attention : une pierre polie, remarque-t-il, de taille convenable pour d'éventuels travaux de gravure. Mais après un examen plus attentif de l'objet il constate non sans regrets qu'il tient dans sa main un morceau de lithoxyle d'une apparence il est vrai très lithoïde. D'un jet aléatoire il se débarrasse de cette curiosité inutile... qui atterrit contre les planches d'une chaumière abritée par une haie de lambruches. Masure semblant abandonnée envahie sur la gauche de nombreuses touffes de lamiers, avec une petite courette jalonnée de laiches et quelques ronciers. A droite un léard centenaire semble asphyxié par un lierre léthifère. Sur un vieux linteau exposé au soleil une limaçonne lendore attend son heure. A deux pas de la porte à côté d'une brouette bancale, un seau à demi rempli d'une eau en train de louchir bourdonne d'un tournoyant nuage de lucilies. Un croton laccifère meurt dans un pot relégué contre un louchon couvert de mousse et d'une coloquinte lagéniforme percée comme un arrosoir.

Curieux, malgré tout, notre Lucullus s'avance et timidement frappe à la porte dépourvue de serrure. Sans réponse il accompagne un coup plus ferme d'un : "Y a-t-il quelqu'un léans?"

Quelques longues secondes, et apparaît dans l'entrebâillement du battant à demi ouvert, bloqué par les inégalités de la terre battue, une femme sans âge. Son visage en partie caché par un foulard disposé à la façon d'un litsam laisse apparaître un front éclairé par un rais de soleil blanchâtre qu'un orage aurait adouci; les yeux aux contours rougis et ce front cireux font penser a une leucopathie. Notre homme voudrait en savoir un peu plus, espère le licet qui l'invitera à franchir le seuil. La locataire des lieus devance son souhait, c'est une fille de la terre, l'hospitalité est sa religion. Avant qu'il n'ouvre à nouveau la bouche, d'une voix fluette mais sûre et amène : "Mais ent-l-ez donc, monsieur, se-l-iez-vous perdu?"

Un peu mais agréablement surpris, Lucullus, tout en remarquant cette lallation dans la prononciation, obtempère, il entre. La femme l'invite à s'asseoir tout en rejoignant dans une démarche labile son occupation du moment : limoner une carpe qu'elle écarte prudemment du nez de son visiteur inattendu. Elle ôte la toile qui lui servait de foulard, pièce de tissu sans doute là le temps de son travail culinaire, et découvre un bas de visage étonnamment chargé d'un lentigo qui envahi l'ensemble de la gorge elle-même accoutrée d'une léontine de toute merveille qui fait illico oublier les petites taches brunes.

Imperceptiblement, lentement, une confiance s'installe entre les deux personnages que la conversation réunie. Chacun ressentant la présence de l'autre comme un bonheur venu rompre des solitudes contraintes. Les sujets abordés ne sont pas forcément ceux attendus par les deux parties en présence, mais peu importe, une communion s'établit, Lucullus écoute Emilienne (elle s'appelle Emilienne), Emilienne écoute Lucullus. Elle lui confie ses maux et ses désillusions, lui raconte comment un jour, munie d'une levantine (héritage improbable de quelque ancêtre inventé) qui décorait sa cheminée et qu'elle prit pour se donner du courage, elle levrauda un énergumène surpris à locher un de ses pommiers. Dans sa course elle perdit l'équilibre, tomba lourdement à terre et fut prise de lipothymie. Cette chute accentua la lordose qui déjà la handicapait dans ses déplacements, d'où la particularité de sa démarche incertaine et l'explication du lourd vêtement lanugileux qu'elle portait autour de la taille autant pour se prémunir des rigueurs de l'hiver que pour prévenir les conséquences désastreuses d'une mauvaise chute.

Lui dans le même registre mentionna la lithiase qui périodiquement le faisait souffrir. Puis, pour se rapprocher de son interlocutrice et de ses attaches campagnardes, il évoqua l'époque courte mais véridique où il effleura des études vétérinaires; il parla du plaisir non dissimulé à s'occuper entre autre des chevaux aussi bien pour remettre en place un fer qui lochait (travail pourtant réservé au maréchal-ferrant) que pour diagnostiquer un lampas. Il eut, dit-il, une fois l'occasion d'utiliser une langue-de-carpe - outil concernant plutôt, comme chacun sait, le dentiste plutôt que le vétérinaire - pour extraire une molaire à une jument! Mais il s'étendit surtout sur ses concepts philosophiques et même théologiques qui lui apportèrent de nombreux soucis vis-à-vis de certains penseurs qui considéraient ses idées un peu trop latitudinaires.

L'après-midi passa si rapidement qu'Emilienne alluma sa lampe à huile pour pallier le manque de clarté d'un soleil déjà bien bas. Bientôt le lamperon de la lanterne accusa une faiblesse qui sonna l'heure du départ pour Lucullus qui n'avait pas vu lui non plus le temps passer. La nuit tombait, il lui fallait reprendre le chemin avant qu'une pénombre trop diffuse ne lui permette plus de repérer le sentier. Il salua Emilienne en lui promettant une très prochaine visite et pour éviter chez celle-ci la lypémanie qu'il sentait venir. Ce soir d'août les lampyres accompagnèrent son retour en ponctuant son itinéraire ainsi que des balises marquant le chenal vers le port .

Un crépuscule étoilé inonda son cœur de bien-être et de félicité intérieur. Il se promit vraiment de revenir.

                                                                                                  Retour à Vocabulaire :                                                         

Copyright    Pol Ernaz

Polernaz: Tragicomédien - Langue Française : La Saga du H aspiré  - Abracadabrantesque  -  Mots rares ou oubliés : Textes de A à L - Locutions latines

  Lettres du Liban -  Sans mobile apparent :  Correspondances... sans gare - Humour et fantaisie : Le "Défasé"   - Journée fofolles   -  Dacmania -

  Mites au logis   Babouches  - Versifications - Photos Insolites  -  Chansons :  "La Cocaille"  -  Devoir de Mémoire :   Journal d'un appelé -  Lettre d'Algérie  -  Famille Dandé