NON, je ne me sentais pas l'étoffe
assez souple et résistante pour succéder à Sean Connery, Roger Moore ou Daniel
Craig. Malgré une ressemblance évidente – autant par le profil volontaire et
aguicheur que par cette propension à digérer sans complément pharmaceutique tous
les risques tant à l'extérieur qu'en chambre – avec tous les ténors de la série,
quelques points essentiels contrariaient
la balance et l'inclinaient vers ce
refus catégorique : le poids des ans, le choc de l'arthrose, la calvitie
inhérente aux efforts et prouesses intellectuels permanents et de longue
haleine , le pied gauche affublé d'un œil de perdrix invisible mais bien réel
et l'œil droit souffrant d'un déficit visuel non négligeable incapable de
définir avec certitude si le gibier observé à cinquante pas est une perdrix
rouge en émoi ou un coq de bruyère mâle en mal de compagne : c'est dire !
Quand le réalisateur a nouveau a insisté, j'ai réitéré mon refus.
Il est revenu à la charge, m'a travaillé au corps, m'assurant qu'il n'y
avait aucun risque, que j'étais vraiment l'élément incontournable et essentiel qui
allait faire rêver et crouler d'envie tous les spectateurs et spectatrices, LE sauveur
que tout le monde attend, le nouvel Apollon, le mentor, l'élu des dieux... j'en
passe et des meilleurs (il me semble avoir déjà entendu la formule!)
Et il a fini par me convaincre au
moins de participer au casting sur le choix de mes partenaires potentielles
sous le fallacieux prétexte d'une reconstitution de scène anodine mais indispensable
au bon déroulement d'une prestation à la hauteur de ses espérances afin de
désigner sans regrets tous les éléments devant constituer ma garde rapprochée
dans leurs rôles respectifs.
Selon ses affirmations, je n'aurai plus aucun désir de me dérober à ses
supplications à la suite de cette expérience, allant même jusqu'à prétendre que
c'est moi qui insisterait pour qu'il ne décide pas, sur un coup de tête, de
proposer la place à un autre.
Pour lui faire plaisir j'ai fini par accepter; j'ai donc participé à cette
mise en scène.
Et je vous le dis : JE SERAIS LE PROCHAIN JAMES BOND !
Voilà pourquoi : une
évidence
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